“ Qu’est-ce que tu es moche, ma pauvre fille…”
C’est pas de sa faute, ça ne l’a jamais été, elle avait pas choisit… Mais les mains de sa belle mère lui attrapaient quand même les épaules pour la placer devant le miroir, la forcer à regarder. Elle lui écartait les cheveux de force en lui serrant le menton fort, trop fort.
« Mais fait un effort, tu vois pas comme tu es moche, enfin ?! »
Coiffe-toi mieux, coupe-toi les cheveux, t’habille pas comme ça… Ouais toujours la même rengaine, le pire c’est que le ton n’était jamais vraiment méchant, juste sec. Du dédain, du vrai qui vous donne envie de pleurer de honte parce que c’est vrai, avec ça on se sent comme un déchet.
C’est face à une belle-mère de ce genre que Sophia dut grandir. Ca, un père trop absents et bientôt des demis frères et sœurs un peu trop adulés.
Des années, des années à se sentir pitoyable, parce que personne lui disait le contraire, qu’on préférait parler de son frère, de sa sœur, qu’on l’oubliait. Parce que petit à petit elle voulait se faire oublier aussi.
Petite fille sans chaleur, elle se construisit à travers les livres en dévorant tout ce qui lui passait sous la main. On ne dit cependant pas d’elle, qu’elle était intelligente et curieuse à travers ses lectures, on la traita de gamine trop rêveuse qui ne savait pas se rendre utile. C’était vrai, elle aimait pas trop aider. Parce qu’on l’accusait d’être maladroite, cruche, bécasse…
Grandir, c’est une chose comme une autre. Parfois, en grandissant on peut même devenir belle, pour Sophia ce n’était pas le cas. Encore et toujours on lui répétait les mêmes mots : « Que t’es moche, mais que t’es moche ! ». Maintenant, elle se sentait coupable qu’on la regarde, comme si le simple fait de la voir était une insulte pour les autres. Ca a un rôle de mécanisme, le cerveau d’une personne blessée hein ? Toujours dans la culpabilité…
Et puis il y avait cette tristesse, cette tristesse si grande qui parfois lui faisait tout lâcher pour partir sans trouver d’apaisements.
Cela pouvait lui sauter à la gorge d’un coup, cela ne partait pas. Pour un temps elle arrivait juste à calmer cette grande bête noire au fond d’elle-même, celle qui lui donnait des envies de suicide, mais pour un temps seulement. Parce qu’après cela se réveillait encore, toujours plus noir, toujours plus fort, à aboyer dans un rire son mal de vivre à elle. Et Sophia ne pouvait rien faire…
Fragile, elle se cacha derrière ses sempiternels livres et un emploi du temps réglé comme une horloge. Repas toujours à la même heure, lecture de tant à tant, travail de tant à tant…. Réglée comme un robot, elle tâchait d’oublier ainsi qu’elle n’était pas heureuse et n’avait aucune chance de l’être tant que cela continuerait.
Et puis elle continuait de voir sa famille… Une belle mère heureuse qu’elle n’ait pas fait d’’études parce que cela n’était pas pour des idiotes comme elle, mais hargneuse de voir qu’elle touchait si peu d’argents avec son job minable de serveuse.
« Pauvre fille ».
Et puis toujours les mêmes choses, les mêmes histoires de laideur, d’imbécillité. Elle ne pouvait être rien d’autre qu’un ratage total…
Sophia était coincée dans cette réalité qu’elle détestait, mais qu’en même temps elle ne pouvait pas quitter. Parce qu’il y avait les horaires, parce que rien ne devait jamais changer… Peu à peu, en plus de ses crises de dépression, elle entendit des voix.
Sophia Banner était convaincue que les fleurs parlaient…
Ne voyez rien de poétiques là dedans, il y avait juste ces voix métalliques qui lui envahissaient la tête, lui sortaient parfois des mots sans sens, des phrases déjà entendues, toutes ces choses qu’elle ne voulait plus qu’on lui dise.
Les fleurs lui parlaient et sa vie était toujours aussi pitoyable.
Un jour il y eut la tentative de suicide, cela ne réussit pas. Ironiquement, ce fut sa belle-mère, en lui rendant visite, qui la trouva inanimée, des boîtes e cachets vides aux pieds. Elle fut emmenée en urgence à l’hôpital, elle survécut. Malheureusement, son délire fut bien vite découvert par les médecins, avec ces fleurs qui semblaient se faire de plus en plus menaçante. On conseilla de la placer en institution mais son père, comme sa belle-mère, la voulaient la plus loin possible de leur vie à eux.
Et c’est ainsi que…
(ndr: si vous avez besoin de sources ou de références, je me suis inspirée des symptômes de Zelda Fitzgerald pour la schizophrénie)