ϟ PREMIÈRE SÉANCE ; 28 NOVEMBRE 2011

Bonjour à vous également docteur. Avant que vous ne commenciez à dire quoi que se soit d'autre que 'bonjour', je dois vous dire un truc. Je déteste les psychologues. Vous êtes psychiatre vous dites ? Ah oui c'est vrai ça change tout, il y a une énorme différence je n'en doute pas... Moi, désagréable ? Docteur, un peu d'humour n'a jamais tué personne, croyez moi je le saurais. Même l'ironie ne vous fera pas le moindre mal, je vous assure. Ne nous égarons pas ? Oui, vous avez raison. Donc je disais, je n'aime pas les psy (content ?). Pourquoi ? Parce que -et n'y voyez aucune offense personnelle- vous ne servez strictement à rien. Regardez, vous êtes là, pensant que vous allez me faire quelque chose, que vous allez me changer, me faire aller mieux. Mais docteur, des psy comme vous j'en ai vu défiler lorsque j'étais plus jeune. Et croyez moi, aucun d'eux n'a changé à ce que je pouvais ressentir. De plus, je n'ai pas besoin qu'on me fasse aller mieux, je n'ai pas besoin d'être guérie. Oooh oui je sais, je vous connais vous les psy. Vous allez noter dans votre fichu dossier que je n'accepte pas encore ma 'maladie', que je ne réalise pas car je suis en plein délire, que la réalité me fait peur où que sais-je encore comme autre connerie. Mais arrêtez de rêver doc' ! La réalité je l'ai reçue en plein dans la gueule il y a bien longtemps. Elle est là, partout autour de moi, elle est en moi. La réalité c'est ma meilleure amie.

ϟ DEUXIÈME SÉANCE ; 5 NOVEMBRE 2011

Bonjour. Vous dites ? Oh on va faire ça sérieusement cette fois-ci ? Ah c'est bizarre parce que personnellement je me suis pas trop amusé la dernière fois mais bon chacun son sens de l'humour hein ? Oui bon très bien, veuillez m'excuser. Sérieusement alors ? OK, j'imagine que je vais devoir parler de moi. C'est un peu le but vous dites ? Ouais, je crois que j'étais au courant. Bon et bien pour commencer, je m'appelle Ambre Blackford. Oui, oui, il y a marqué Saphir sur votre dossier c'est ça ? Oui, en vérité Saphir est mon premier prénom. Mais à partir de... Mon adolescence j'ai commencé à utiliser Ambre comme premier prénom. Comme pour marquer un changement j'imagine. Un changement vis-à-vis de quoi ? Et bien je vois que les questions agaçantes commencent. Oui bon ça va, je vais répondre, ne me forcez pas à devenir impolie, je déteste ça. Et avant que vous vous emballiez, non ce ne sont pas des menaces, pas besoin d'avertir les gardes qui attendant devant la porte de votre... Charmant cabinet. Des gardes totalement inutiles soit-dit en passant. Je suis bien trop intelligente -et je dis ça en toute modestie bien sûr- pour essayer de tenter quoi que se soit avant le bon moment. Et part quoi que ce soit j'entend autant essayer de m'échapper que d'essayer de vous blesser. Est ce qu'il y aura un bon moment vous dites ? Je n'en sais rien docteur, l'avenir nous le dira non ? Qu'est ce qui me fait sourire ? Un tas de choses doc', un tas de choses... Enfin, si nous revenions à ma... Vie non ? Sans vouloir paraître égocentrique c'est un peu pour ça que nous sommes là non ? Oui donc, je suis née à Londres le 28 juin, il y a de ça vingt & un ans. Oui vingt & un ans, parfaitement, pourquoi ? Ah vous pensiez que j'étais plus jeune, oui les gens me le disent tout le temps. Rhooo ça va, on ne peux plus plaisanter maintenant ? Très bien, j'ai trente deux ans et alors ? Je fais toujours plus jeune que vous en tout cas. Oui, oui pardon, désolée, excusez moi, je retire. Je poursuis donc, oui. Je suis née le 28 juin 1979 en Angleterre. Mon père est mort quand j'avais deux ans. Accident de voiture, tragique accident. Il a laissé ma mère, qui venait juste d'avoir ma petite soeur, Eden, avec deux enfants en bas âge dans une situation financière très mauvaise. Pour ce que je m'en souviens, la vie n'a pas été facile, vous pouvez me croire doc'. Mais tout a changé l'année de mes huit ans, lorsque ma mère a rencontré Lucas. Lucas, un nom charmant n'est ce pas ? Un si joli prénom... Je ne l'ai jamais aimé. Dès la première fois où je l'ai vu, je me rappelle distinctement m'être dit "lui, il causera des problèmes". Et bien doc', je ne pense pas avoir eu plus raison de toute ma vie. Pourtant au début, tout semblait bien, tout allait pour le mieux. Lucas était riche, et pendant trois ans, ma mère, ma soeur et moi avons vécu confortablement, largement à l'abri du besoin. Mais vers la fin de la troisième années, les choses commencèrent à mal tourner. Lucas rentrait de plus en plus tard du travail, la plupart du temps complètement imbibé d'alcool. La première fois qu'il a levé la main sur ma mère je pense que je n'ai pas bien compris, tout comme elle. Même si je n'avais jamais aimé ce type doc', Lucas n'avait jamais manifesté la moindre tendance pour la violence. Pourtant il l'a frappée, encore et encore. Elle criait, Eden et moi, réfugiées dans notre chambre, pouvions l'entendre. Elle hurlait, le suppliait d'arrêter, pleurait, souffrait mais il ne s'arrêtait pas. Ce soir-là, j'ai entraperçu le vrai Lucas, celui qui allait bientôt détruire toute ma famille, toute ma vie. Peut-être que si j'avais réalisé plus tôt, les choses seraient passées différemment, je n'en sais rien. Mais je n'avais que onze ans. Les violences ont continué pendant environ un an. Un an que ma mère a passé à se faire battre, sans rien faire, sans essayer de se sortir de cette situation. Je ne sais pas pourquoi elle n'a rien fait. Peut-être qu'elle avait peur de Lucas, peut-être qu'elle voulait continuer à avoir son argent pour pouvoir nous élever convenablement Eden et moi, je n'en sais rien. Tout ce que je sais c'est que si elle avait quitté ce connard -oui, oui, pardon- quand il en était encore temps, et bien ma vie aurait surement été totalement différente doc'. Je ne serais probablement pas là, enfermée dans un asile psychiatrique, assise en face de vous en train de vous raconter mon histoire. Mais en fait là n'est pas la question n'est ce pas ? Le sujet n'est pas ce qui aurait pu se passer, mais ce qui s'est réellement passé. La réalité. Donc, cette situation d'horreur dura plus d'un an. Excusez moi doc' ? Vous me demandez si je veux faire une pause ? Est ce que je pleure ? Est ce que je tremble ? Est ce que je hurle ? Est ce que j'ai l'air d'avoir besoin d'une pause ? UNDERCO'